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MARIO ISHIKAWA

Não coisas novas mas de novo/

Rien de noveau mais de nouveau

17.09.15 - 07.11.15

 

 

 

 

Rien de nouveau mais de nouveau. Cette phrase, qui pourrait être un mantra du Brésil depuis les années 60, est extraite d’une petite œuvre de l’artiste Mario Ishikawa. Elle forme un cercle au milieu d’une croix gammée remaniée, une mandala noire composée de quatre silhouettes des  militaires brandissant leurs matraques. La phrase est ainsi faite pour être répétée à l’infini et il n’est pas difficile de se l’imaginer chuchotée, comme un bruit de fond, alors même que la bagarre se déchaine, berçant la tuerie qui, depuis des siècles, s’acharne sur les mêmes cibles : ceux « des mineurs », noirs, indiens, femmes, travestis, étudiants, gays et pauvres.  Toute une « vermine » se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment et que la mandala de l’horreur extermine sans pitié. Personne n’est citoyen. 

 

Les œuvres d’Ishikawa présentées à l’exposition de La Maudite ont été crées à la suite des « années de plomb »1 brésiliennes, une période pendant laquelle (entre 1964 et 1985), la dictature militaire a le plus tué, torturé et censuré dans le pays. Une période pendant laquelle les militaires touchèrent sans gêne à la terreur. Une période après laquelle personne ne fut plus jamais le même. Même ceux qui n’étaient pas encore nés à cette période ne seront jamais les mêmes. C’est le trauma, c’est le « de nouveau », cette chose qui martèle et qui pénètre les gens sans qu’elles s’en rendent compte. C’est difficile à expliquer à un « gringo », à celui qui est étranger au Brésil. Depuis toujours la même violence, la même élite, le même pouvoir, le même asservissement. C’est cette trouille ressentie quand on croise la police même si l'on est innocent. C’est la cadence des rythmes binaires de la samba, un-deux, un-deux, de-nouveau, de-nouveau. 

 

Si nous vivons dans cette répétition, c’est aussi en elle, paradoxalement, que nous pouvons penser la rédemption. Répéter c’est résister, et les œuvres d’Ishikawa sont des images de résistance. Presque toutes confectionnées en papier A4, format des documents officiels, des fiches de police, des habeas corpus et des mandats de prison, les œuvres d’Ishikawa sont des petites doses d’antidote. Si nous obéissons avec le A4, nous transgressons avec lui aussi. Si c’est le format de la bureaucratie, c’est aussi le format des (tracts) pamphlets, des manifestes et des œuvres d’Ishikawa. Le papier sulfite ou millimétré, imprimé par la photocopie, le ronéotype et le tampon, ces techniques d’impression qu’Ishikawa a utilisées pour créer ses images rappellent que la répétition semble être, ici, plus importante que la qualité même des images : dire mille fois, répéter, comme un chœur de protestations imprimé par les photocopieuses ou tamponné jusqu’à ce que l’encre s’épuise. Et si l’image résiste, le papier est un matériau qui lui fait face : fragile, il accepte doucement l’encre ; doux, il est aussi entêté, car il demeure, persiste – il n’a besoin que d’une bouffée d’air de temps à autre pour ne pas pourrir ni être dévoré par les mites. 

 

Dans Rien de nouveau mais de nouveau, tout est résistance. Les œuvres exposées semblent avoir été fabriquées il y a à peine quelques mois, ou même hier. Essentiellement mail art, ces feuilles ont circulé. Elles ont fait le tour du monde, elles sont restées dans un tiroir, elles en sont sorties, et elles reviennent, maintenant, prendre l’air sur les étagères de La Maudite. 

 

 

Wagner Morales

 

En partenariat avec la galerie Jaqueline Martins

 

Mario Ishikawa (1944, Presidente Prudente, SP/Brésil) est l'un des principaux représentants brésiliens de l'Art postal, un mouvement né à la fin des années 1950 et consolidé dans les années 1960 et 1970 comme instrument de diffusion de la production artistique lors de situations de tension politique, sociale et culturelle.C'est dans la période de la dictature militaire au Brésil (1964-1985) que l'Art postal a mûri et s'estétablie pour des nombreux artistes qui vivaient et travaillaient dans le pays pendant cette période comme la seule façon de rester en contact avec d'autres artistes internationaux. Les œuvres de Ishikawa, notamment celles produites pendant les années 60 et 70, ont un trait politique marqué et se caractérisent par l'utilisation de matériaux banals du quotidien, tels que les photocopies, les enveloppes, les timbres-poste et les coupures de journal. L'artiste est encore reconnu de nos jours pour ces travaux. Datent de cette période les œuvres Brasil Correio, Homenagem (1974), Homenagem aos Dez Mais (s.d.) et Alfabeto dos Surdos-Mudos (s.d.), dans lesquelles l'artiste explore les possibilités de l'appropriation d'images, interférant sur celles-ci.

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